Introduction. L’assurtech Xempus, fondée en 2008 en Allemagne, a su digitaliser la distribution des assurances vie et retraite complémentaire avec un modèle innovant. Sa plateforme SaaS en B2B2C connecte sur un même outil l’ensemble des acteurs – assureurs, intermédiaires (courtiers, agents) et clients finaux – pour faciliter la souscription et la gestion des contrats d’épargne retraite. Forte de son succès outre-Rhin, la question se pose : ce modèle de distribution peut-il être répliqué en France, et à quelles conditions ? Nous analyserons d’abord le modèle allemand de Xempus et ses facteurs de réussite, puis les enjeux (obstacles et opportunités) d’une transposition sur le marché français, notamment face aux spécificités réglementaires, concurrentielles et culturelles locales.
1. Contexte & succès de Xempus en Allemagne
Un modèle de distribution digital intégré. Xempus (anciennement xbAV) s’est imposée en Allemagne comme la plateforme de référence pour la vente et la gestion de polices d’assurance retraite d’entreprise et vie individuelle. Son modèle B2B2C repose sur une digitalisation complète du parcours client et des interactions entre acteurs. Concrètement, la plateforme permet aux courtiers et conseillers de comparer les offres d’assurance en ligne, de souscrire numériquement des contrats et de générer la documentation automatiquement, tout en automatisant les flux d’informations avec les assureurs et les employeurs. Des outils d’aide à la vente (simulateurs de rente, comparateurs) sont intégrés afin de réduire la complexité administrative pour les intermédiaires. L’ensemble s’appuie sur des API qui synchronisent les données clients et contrats en temps réel avec les systèmes des assureurs, assurant une expérience unifiée.
Problèmes résolus et valeur ajoutée. Le modèle Xempus adresse plusieurs pain points historiques du marché de la prévoyance : (1) Réduction des coûts de distribution – en dématérialisant les échanges et la paperasse, la plateforme abaisse les coûts opérationnels liés aux devis et souscriptions ; (2) Accélération du processus de vente – un contrat de retraite supplémentaire qui prenait autrefois des semaines peut désormais être conclu en quelques jours, voire heures, grâce aux workflows numériques ; (3) Transparence accrue – chaque partie prenante (assuré, courtier, employeur, assureur) bénéficie d’une visibilité en temps réel sur l’avancement du dossier ; (4) Démocratisation de produits complexes – en simplifiant la comparaison et la souscription, Xempus rend plus accessible des produits d’assurance souvent jugés obscurs (retraite entreprise, invalidité, etc.), rendant la prévoyance compréhensible par tous. Pour l’utilisateur final, cela se traduit par une meilleure compréhension de ses droits, et pour l’entreprise par une gestion simplifiée de ses régimes de retraite.
Preuves de succès. Les chiffres illustrent la réussite de Xempus en Allemagne. L’insurtech munichoise a levé 70 millions de dollars en 2022, portant son financement total à 125 millions – un tour de table mené par Goldman Sachs pour accélérer son expansion européenne. La plateforme traite un volume considérable : plus de 100 000 nouvelles polices sont vendues via Xempus chaque année, connectant 24 000+ courtiers et 90 000 entreprises de toutes tailles, ainsi que « l’ensemble des assureurs vie et santé » du pays. En conséquence, Xempus a aidé les assureurs à générer environ 7 milliards € de revenus futurs garantis et permis aux intermédiaires de toucher plus de 200 millions € de commissions sur la période récente. Sa croissance est exponentielle : malgré la pandémie, Xempus a recruté plus de 7 000 courtiers supplémentaires depuis 2020 et affiche un taux de croissance annuel moyen de son chiffre d’affaires supérieur à 100 % sur les quatre dernières années. Elle a également élargi son écosystème avec 40+ assureurs partenaires, dont les grands noms du marché allemand (Allianz, Axa, Zurich, Ergo, etc.), assurant une couverture quasi-exhaustive de l’offre disponible. Ces performances lui ont valu d’être reconnue parmi les 100 insurtech les plus innovantes au monde (InsurTech100) deux années de suite.
En résumé, Xempus a su transformer un marché traditionnellement papier et fragmenté en un modèle plateforme efficace. En fluidifiant l’expérience de bout en bout, l’insurtech a convaincu aussi bien les Startups que les géants de l’assurance de la valeur de son approche. Reste à savoir si une telle révolution peut s’exporter en France, où le contexte de l’assurance vie/retraite diffère sur plusieurs points clés.
2. Défis et enjeux pour une réplication en France
Malgré les atouts du concept, transposer le modèle Xempus en France n’est pas trivial. Le marché français de l’assurance présente en effet des spécificités structurelles, réglementaires, concurrentielles et culturelles qu’il faudra adresser. Voici les principaux enjeux – à la fois barrières potentielles et opportunités à saisir – pour réussir une telle implantation.
Barrières structurelles et réglementaires
- Distribution encore très physique. En France, la distribution d’assurance reste fortement ancrée dans le face-à-face et les réseaux traditionnels. Les produits d’épargne retraite supplémentaire (Perco, Article 83, désormais PER d’entreprise) ont historiquement été vendus via des bancassureurs ou des conseillers en gestion de patrimoine, souvent dans le cadre d’une relation de proximité. À l’inverse, en Allemagne les retraites d’entreprise (bAV) sont répandues et les employeurs sont enclins à utiliser des solutions collectives digitales pour informer et équiper leurs salariés. Ce différentiel implique qu’un acteur comme Xempus arriverait en France sur un marché moins habitué aux plateformes intermédiaires indépendantes. Il faudrait convaincre des entreprises et intermédiaires français, encore habitués aux circuits internes (banques, agents généraux), de migrer vers une plateforme tierce.
- Cadre légal et conformité. La réglementation française (Code des assurances, transposition de la directive DDA, etc.) impose des obligations strictes de conseil et d’information aux distributeurs d’assurances. L’Autorité de contrôle (ACPR) veille au grain sur la protection des assurés. Automatiser de bout en bout la souscription d’un produit d’épargne retraite nécessitera de satisfaire à des exigences contraignantes en matière de transparence, de recueil du consentement et de devoir de conseil. Si ces règles ne sont pas insurmontables (elles s’appliquent d’ailleurs aussi en Allemagne dans une certaine mesure), elles pourraient ralentir l’arrivée d’un parcours 100 % en ligne. Il faudra adapter l’outil aux spécificités locales (documents normalisés en français, mention des garanties plancher, etc.) et peut-être prévoir du phygital (mélange d’accompagnement humain et de digital) pour les étapes les plus engageantes. En somme, le cadre juridique français, plus tatillon, pourrait obliger Xempus à ajuster son modèle (par exemple, intégrer des conseillers habilités à distance, archivage renforcé des consentements, etc.).
- Systèmes et données. Un autre frein possible réside dans l’interopérabilité technique avec les acteurs français. Beaucoup d’assureurs français s’appuient encore sur des systèmes informatiques historiques, parfois peu ouverts, ce qui compliquerait l’intégration via API. La standardisation des échanges de données (par exemple pour récupérer les situations client ou émettre des contrats) n’est pas encore aboutie entre assureurs en France – chaque groupe ayant ses formats. De plus, les exigences de protection des données personnelles sont élevées (RGPD, recommandations CNIL) et toute plateforme manipulant des données sensibles (revenus, informations de santé éventuellement pour la prévoyance) devra être irréprochable en cybersécurité et conformité. Xempus devra donc investir pour connecter un écosystème fragmenté et inspirer confiance quant à la confidentialité des informations traitées.
Concurrence et habitudes du marché
- Poids des acteurs en place. Le marché français de l’assurance retraite supplémentaire est dominé par des incumbents puissants. Par exemple, 74 % de l’épargne salariale (PEE/PER d’entreprise) est gérée par trois grands groupes (Amundi, Natixis, BNP Paribas), filiales de banques historiques. Ces acteurs intégrés disposent de réseaux de distribution captifs (agences bancaires, force de vente interne) et d’une confiance déjà acquise auprès des entreprises et épargnants. Ils ont certes été critiqués pour le manque de pédagogie et de simplicité de leurs offres, ce qui a ouvert la porte à des fintech comme Epsor, mais ils ne resteront pas inactifs. L’arrivée d’une plateforme indépendante agrégant plusieurs assureurs pourrait être perçue comme une menace concurrentielle directe. Il faut s’attendre à une réaction des acteurs en place, soit par l’amélioration de leurs propres outils digitaux, soit par des tentatives de verrouiller certains canaux. Par ailleurs, d’autres insurtechs pourraient occuper le terrain : jusqu’ici aucun “Xempus français” n’a vraiment émergé, mais des startups adjacentes (courtiers en ligne, robo-advisors en épargne) pourraient évoluer vers ce créneau. La concurrence potentielle inclut aussi les grands courtiers et cabinets de conseil (Aon, Mercer…) qui adressent les entreprises et pourraient développer leurs plateformes maison. Bref, le champ de bataille français comporte déjà de nombreux prétendants, et il faudra s’y distinguer.
- Comportement du consommateur. La culture assurantielle française pourrait constituer un défi en soi. Le public français se montre relativement prudent et attaché à l’humain dans ses choix financiers. Une étude YouGov récente a révélé que pour 45 % des assurés français, l’absence de contact humain est le premier frein à la souscription d’assurance 100 % en ligne. Plus d’un Français sur deux déclare d’ailleurs ne pas envisager de passer sur une assurance entièrement digitale pour souscrire un contrat, préférant une approche omnicanale avec la possibilité d’échanger avec un conseiller. Ce facteur culturel implique qu’une plateforme comme Xempus, pour convaincre, devra non seulement prouver son fiable fonctionnement, mais peut-être aussi s’appuyer sur des relais humains (par exemple un réseau de courtiers partenaires formés à l’outil, capables de rassurer le client final). La confiance est un enjeu majeur : en France plus qu’ailleurs, l’assuré veut “voir” son interlocuteur, surtout sur des produits d’épargne long terme où les montants engagés sont importants. Un nouvel entrant devra donc bâtir sa crédibilité patiemment, en s’alliant éventuellement à des marques établies ou en obtenant un label de confiance. Paradoxalement, cela peut aussi être une opportunité (voir plus loin) si la plateforme parvient à offrir de la transparence là où il y avait de l’opacité – mais le gain de confiance prendra du temps.
- Risques réputationnels accrus. Corrélativement, dans un environnement un peu méfiant vis-à-vis de la techno, le moindre faux pas pourrait être fatal. Une erreur de calcul d’une rente retraite, une indisponibilité du service au mauvais moment ou une faille de sécurité ferait les choux gras de la presse et conforterait les sceptiques dans l’idée qu’il vaut mieux s’en tenir aux méthodes traditionnelles. La tolérance à l’erreur est faible sur ce type de produit sensible : un lancement en France impliquerait donc une phase de test et de fiabilisation sans doute plus longue et prudente, pour éviter de discréditer le concept dès le départ. En somme, l’exécution devra être quasi-parfaite pour convertir les utilisateurs français.
Enjeux technologiques et opérationnels
- Localisation du produit. Répliquer Xempus en France, c’est en réalité effectuer un important travail d’adaptation du produit. Outre la barrière de la langue, il faut intégrer les spécificités réglementaires et fiscales françaises dans les parcours (par ex. calcul des avantages fiscaux propres aux PER, prise en compte de la TSCA – taxe sur les contrats d’assurance – dans les tarifs, etc.). Les workflows devront intégrer des étapes propres au marché français : par exemple, la portabilité des contrats en cas de changement d’employeur est organisée différemment qu’en Allemagne, les options de sortie en capital ou rente des PER français ont leurs règles… Autant de particularités à coder dans la plateforme pour qu’elle reste conforme et utile. De plus, les connexions avec les assureurs français nécessiteront de développer de nouvelles passerelles technologiques (API ou autres). Chaque assureur ayant sa donnée contractuelle formatée différemment, Xempus devrait presque repartir d’une feuille blanche pour brancher ses services aux systèmes français. C’est un investissement en temps et argent significatif. Enfin, le support opérationnel (service client, assistance aux courtiers et entreprises utilisatrices) devrait être implanté localement pour des raisons de langue et de fuseau horaire, ce qui alourdit la structure de coûts. En France, le coût du travail et des opérations est élevé, ce qui oblige à atteindre une masse critique d’utilisateurs pour rentabiliser le modèle. En résumé, l’entrée sur le marché français s’apparente à un vrai projet de déploiement international avec toutes ses contraintes (localisation, recrutement d’équipes locales, mise en conformité légale…).
- Écosystème plus fragmenté. Là où Xempus a pu agréger relativement vite les grands assureurs allemands d’épargne retraite, le paysage français compte une multiplicité d’acteurs : outre les bancassureurs, de nombreuses mutuelles et institutions de prévoyance proposent des produits retraite d’entreprise, parfois sur des segments spécifiques (PME, secteurs professionnels). Cette fragmentation signifie qu’un nouvel intermédiaire devra négocier des partenariats avec une foule d’acteurs pour offrir une couverture de marché complète. Ne pas référencer tel ou tel grand groupe (par exemple AG2R La Mondiale ou Crédit Agricole Assurances) pourrait priver la plateforme d’une part importante du marché. Convaincre l’ensemble de ces acteurs de distribuer leurs offres via un intermédiaire tiers sera un défi commercial et politique. Certains pourraient voir d’un mauvais œil l’idée de mettre leurs produits en concurrence directe sur une place de marché commune. Cela nécessitera de démontrer la proposition de valeur pour eux (accès à de nouveaux clients, réduction des coûts de distribution, etc.), et possiblement de rassurer quant à la neutralité de la plateforme. En Allemagne, Xempus a réussi à fédérer « tous les assureurs vie pertinents » grâce à son positionnement indépendant et à la maturité du marché bAV ; en France, le chemin pour arriver à un tel consensus sera sans doute plus long.
Opportunités du marché français
Malgré ce tableau exigeant, le marché français présente aussi de réelles opportunités pour qui saura adapter le modèle :
- Un potentiel de volume important. La France est l’un des plus gros marchés d’assurance vie en Europe (plus de 1 800 milliards d’euros d’encours vie). Sur le segment de la retraite supplémentaire, la dynamique est positive depuis la loi Pacte de 2019. En un peu plus de 4 ans, le nouveau Plan Épargne Retraite (PER) a dépassé les objectifs initiaux : fin 2023, on compte plus de 10 millions de titulaires de PER en France pour 102,8 milliards € d’encours. Cette somme se répartit entre des PER individuels (environ 60 % des encours) et des PER d’entreprise (collectifs ou obligatoires) totalisant ~43 Mds€. Autrement dit, des millions de Français adhèrent désormais à des dispositifs d’épargne retraite privés, et ce nombre ne fait qu’augmenter. Ce contexte créé par Pacte élargit le marché adressable pour une plateforme digitale : de nombreuses entreprises, notamment des PME, envisagent pour la première fois de mettre en place un PER collectif pour leurs salariés (attirées par les incitations fiscales renforcées). Or, qui dit nouveaux entrants dit besoin d’accompagnement simplifié – exactement le créneau de Xempus. Une plateforme capable de faciliter l’adhésion de ces entreprises et de leurs employés aux PER pourrait profiter d’un effet d’aubaine en surfant sur cette vague de croissance. Le volume potentiel de contrats à gérer est élevé, ce qui pourrait rapidement justifier l’investissement, à condition de capter une part significative de ces nouvelles souscriptions.
- Des utilisateurs en attente de simplification. Si les Français sont prudents, ils n’en sont pas moins lassés de la complexité administrative. Les offres d’épargne salariale/retraite existantes sont souvent perçues comme opaques et difficiles à suivre (supports multiples, règles de déblocage complexes, etc.). Une étude de marché citée par Epsor souligne qu’avant l’arrivée de nouveaux acteurs, les dispositifs restaient « complexes et opaques aux yeux de tous » en raison du peu d’efforts pédagogiques des grands groupes. Cette situation constitue une opportunité de différenciation pour un acteur proposant au contraire une expérience utilisateur moderne et transparente. L’exemple d’Epsor en France est d’ailleurs révélateur : lancée en 2017 sur un segment voisin (épargne salariale), cette fintech a réussi à attirer plus de 1 500 entreprises clientes en misant sur une plateforme intuitive, de la pédagogie et une offre ouverte (multi-fonds). Des sociétés réputées comme Bpifrance ou Roland Berger ont ainsi transféré leur dispositif d’épargne salariale vers Epsor, preuve que même les clients exigeants peuvent faire confiance à une solution new age si elle apporte une vraie valeur ajoutée. De même, on voit émerger des solutions digitales innovantes (ex: outils d’agrégation des comptes retraite, simulateurs en ligne officiels sur info-retraite.fr, etc.), ce qui montre que la digitalisation progresse dans l’esprit des usagers. Pour Xempus, arriver en pionnier de la retraite B2B2C pourrait lui permettre de capter une demande latente pour « enfin y voir clair » dans ces produits. En résumé, le marché français est mûr pour une simplification par le numérique, et un service qui rend facile ce qui était pénible pourrait rencontrer un écho favorable, notamment auprès des nouvelles générations de dirigeants d’entreprises et d’épargnants.
- Soutien règlementaire et appétence des partenaires. Les autorités françaises encouragent l’épargne retraite privée (dans un objectif de compléter les régimes publics) et l’innovation financière. Le succès du PER est porté par Bercy qui communique régulièrement sur le sujet. Dans le même temps, l’ACPR et la Banque de France ont ouvert un hub innovation pour favoriser l’émergence de fintech/assurtech réglementées. Un projet comme Xempus pourrait bénéficier de ce climat politique favorable, notamment s’il s’inscrit comme complément (et non concurrent frontal) du système existant. Par exemple, en se positionnant comme partenaire des assureurs français plutôt que comme un nouvel assureur, Xempus peut rassurer : son rôle serait d’élargir la distribution de leurs produits, pas de les remplacer. De fait, en Allemagne Xempus n’est pas un assureur mais un facilitateur pour les assureurs et intermédiaires. On peut imaginer qu’en France, certaines compagnies accueilleraient positivement une solution qui les aide à pénétrer la multitude des PME/ETI sans avoir à démarcher chacune individuellement. De même, de nombreux courtiers indépendants recherchent des outils digitaux pour rester compétitifs face aux bancassureurs : offrir à leurs clients entreprise une plateforme moderne pourrait les intéresser. Ainsi, Xempus pourrait s’appuyer sur un réseau de courtiers locaux pour accélérer son adoption, transformant un potentiel obstacle (nécessité d’humain) en allié (les courtiers devenant les ambassadeurs de la solution auprès des TPE/PME). En somme, l’écosystème français pourrait réserver de bonnes surprises en termes d’alliances : un déploiement gagnant impliquerait sans doute une coopération avec les acteurs en place (plutôt qu’une stratégie isolée). Les assureurs hexagonaux, confrontés à la pression concurrentielle et à la nécessité de réduire leurs coûts, pourraient finalement voir d’un bon œil une mutualisation des moyens via une plateforme commune – à l’image de ce qui s’est fait dans d’autres secteurs (banques en ligne mutualisant des infrastructures, etc.).
- Capitaux et expérience. Dernier atout non négligeable : Xempus arrive avec une force de frappe financière conséquente grâce à ses levées de fonds. Ses investisseurs de renom (Goldman Sachs, HPE Growth…) lui donnent les moyens d’investir pour adapter son produit au marché français et absorber des pertes initiales si nécessaire. De plus, l’expérience acquise en Allemagne – et plus récemment en Autriche grâce au rachat de eVorsorge – fournit un savoir-faire transposable. L’entreprise connaît les défis de l’expansion internationale et a déjà amorcé une stratégie buy-and-build en Europe. Il ne serait pas surprenant qu’elle explore la France sous peu, soit via un lancement organique, soit via l’acquisition d’une jeune pousse française complémentaire. Sa réussite en Allemagne constitue un proof of concept solide pour convaincre des partenaires français sceptiques. En effet, Xempus peut s’appuyer sur son track record pour démontrer les bénéfices de sa plateforme (efficacité, hausse des ventes, etc.), chiffres à l’appui. Cela pourrait emporter l’adhésion de quelques assureurs pilotes en France pour lancer un projet.
Quelles conditions pour réussir ? (Conclusion)
En synthèse, le modèle Xempus a du potentiel en France, mais son succès n’est pas garanti sans adaptations. Les principaux écueils à éviter sont liés à la transposition aveugle du modèle allemand : il faudra tenir compte du facteur humain incontournable en France (donc intégrer de l’omnicanal, du conseil personnalisé), composer avec un tissu d’acteurs très installés (donc privilégier la coopétition – partenariat avec certains assureurs ou courtiers – plutôt qu’une approche frontale), et prouver sa conformité et sa fiabilité pour gagner la confiance des usagers finaux. Les difficultés sont réelles (marché fragmenté, régulation pointilleuse, clients exigeants), mais les opportunités le sont tout autant : un marché en croissance, avide de simplification, et des joueurs traditionnels qui pourraient bénéficier d’une telle plateforme.
Pour un dirigeant d’assurance français, l’exemple Xempus offre une double leçon : d’un côté, il met en lumière les points de douleur de la distribution actuelle (lenteur, coûts, complexité) qu’un nouvel entrant agile pourrait exploiter à son profit ; de l’autre, il suggère que la réponse peut être dans l’innovation collaborative. Plutôt que de subir l’arrivée d’une plateforme tierce, les assureurs pourraient choisir de l’accompagner ou de créer ensemble un équivalent, afin de transformer la contrainte digitale en avantage concurrentiel. En conclusion, répliquer Xempus en France est un défi de taille, mais pas une mission impossible – c’est une évolution peut-être nécessaire pour dépoussiérer la distribution de l’assurance vie et retraite, à condition d’y apporter une French touch faite de confiance, de partenariat et d’adaptation locale. Les prochains mois/années diront si ce saut digital est franchissable dans l’Hexagone, mais une chose est sûre : le jeu en vaut la chandelle au vu du marché à conquérir.